L’intelligence artificielle (IA), ça vous parle ? Et l’IA bio-inspirée alors, qu’en est-il ?
Bienvenue dans la rubrique dédiée à cette technologie aussi passionnante que novatrice. Ci-dessous, suivez les travaux de Benoît Miramond et son équipe du groupe eBrain du LEAT (Laboratoire d’électronique et antennes et télécommunication) d’Université Côte d’Azur.
À travers une série de vidéos, et un article de vulgarisation scientifique, découvrez comment ils développent des technologies en s’inspirant de notre cerveau et de nos yeux, qui sont même utilisées sur des satellites envoyés dans l’espace. Les applications de l’IA bio-inspirée sont nombreuses et intéressantes en termes de dépense énergétique, d’efficacité et de fiabilité, comprenez pourquoi !
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Article : La biologie au profit de la technologie
Le duel entre l’intelligence artificielle et l’humanité fait rage sur le jeu de Go depuis 2016. Cette date a marqué le début d’une nouvelle ère à la suite de la victoire du logiciel AlphaGo contre Lee Sedol, un des meilleurs joueurs. Le jeu de Go est incontournable pour illustrer les performances de l’intelligence artificielle car il avait jusque-là résisté aux systèmes les plus innovants en raison de sa complexité. Avec ses 19x19 lignes, il exige une intuition et une expérience particulière jusque-là estimées inimitables. Mais quel est le prix à payer pour surpasser l’humanité ? Car cette victoire n’est pas due au hasard ou à la chance, elle a un coût. Une note plutôt salée d’ailleurs en termes de consommation électrique : 150 000 Watts pour faire tourner l’énorme réseau d'ordinateurs et de cartes graphiques de Google, contre la modeste somme de 20 Watts pour le cerveau du joueur.
Il existe pourtant des alternatives à ces intelligences artificielles très gourmandes en énergie. Benoît Miramond, enseignant-chercheur à Université Côte d’Azur, s’attache à développer des technologies en s’inspirant de ce qui existe déjà dans la nature. Son équipe s’inspire de la structure et du comportement du cerveau humain pour développer une intelligence artificielle bio-inspirée composée de réseaux de neurones artificiels dits « à spikes ».
L’INTELLIGENCE, ÇA S’APPREND
L’apprentissage est un mécanisme biologique qui permet à un organisme de s’adapter à son environnement. D’après Benoît Miramond, cela pourrait même être la définition de l’intelligence. Côté neuroscience, cet apprentissage peut être mesuré à trois différents niveaux d’observation : en regardant les progrès dans la réalisation d’une tâche cognitive, en mesurant les changements d’activités électriques du cerveau et enfin, en s’intéressant au renforcement de connections entre les neurones. En pratique, l’apprentissage profond, le système ayant révolutionné l’intelligence artificielle, correspond au dernier niveau.
Pour concurrencer l’intelligence artificielle standard, les chercheurs développent des circuits neuromorphiques qui imitent le fonctionnement des neurones biologiques. Ces derniers communiquent entre eux via des synapses, dont la force de connexion est à l’origine de l’apprentissage. Lorsque nous assimilons quelque chose, ces dernières se renforcent ou s’affaiblissent. Plus une tâche est répétée, plus les circuits se consolident, augmentant le signal entre les neurones concernés.
Ainsi, comme chez les êtres-humains, avant d’être en mesure de résoudre une tâche, les circuits neuromorphiques doivent passer par une phase d’apprentissage. Le système reçoit des exemples de données étiquetées et va alors s’adapter en modifiant ses connections synaptiques au fur et à mesure. Une fois les voies synaptiques ajustées, les chercheurs figent les paramètres du réseau pour passer à la phase d’utilisation. Chaque nouvelle donnée est alors classée, l’outil est fonctionnel et efficient.
LES APPLICATIONS
L’intelligence artificielle bio-inspirée développée par l’équipe de recherche est utilisée dans de multiples projets de recherche appliquée. Renault par exemple leur fait confiance pour travailler sur des capteurs d’aide à la conduite, la première brique pour aboutir aux voitures autonomes. Cette technologie permet d’assister le conducteur dans sa perception de l’environnement (détecteurs de dépassement, d’obstacle sur la route, de mouvement, etc.) pour éviter des situations dangereuses et diminuer le risque d’accident. Pour cela, l’équipe de recherche développe une double combinaison d’intelligences artificielles bio-inspirées : une rétine artificielle capte les données de l’environnement, et un réseau de neurones artificiels les traite.
Embarqués dans un véhicule, les capteurs bio-inspirés ou rétines artificielles récupèrent seulement les différences entre deux images consécutives. Tandis qu’une caméra standard enregistre un nombre fixe d’images par seconde avec la même résolution, la rétine artificelle détecte uniquement les mouvements, à savoir ce qui a changé par rapport à l’image précédente. La représentation de l’environnement est donc sans redondance de l’information. Ce qui est stable n’est pas transmis, donc n’est pas analysé ou calculé, donc sans consommation d’énergie.
Le flux d’événements est ensuite envoyé à la deuxième technologie d’intelligence artificielle bio-inspirée : un réseau de neurones à spikes. Ce dernier est chargé d’analyser les données, c’est lui qui identifiera le camion arrivant à toute vitesse comme étant un danger. Plus économe qu’une intelligence artificielle standard, le réseau de neurones à spikes transmet les informations via des petites impulsions électriques appelées potentiels d’action. Ils sont à la base de la transmission du signal dans les neurones biologiques.
Détecter et identifier des objets dans un flux vidéo est une tâche déjà résolue par de l’intelligence artificielle standard. Le travail effectué par l’équipe de Benoît Miramond est focalisé sur la consommation d’énergie associée à l'intelligence artificielle. D’après une *étude sur l’empreinte énergétique de l’intelligence artificielle, d'ici 2027, la consommation mondiale d'électricité liée à cette technologie pourrait augmenter de 85 à 134 TWh (Terawatt-heure). Cela représente la consommation annuelle d'électricité de pays tels que l’Argentine, les Pays-Bas ou la Suède. À l’heure où le dérèglement climatique est au cœur des préoccupations, la recherche doit permettre de réduire notre consommation d’énergie. Ainsi, en combinant l’utilisation d’une rétine artificielle comme capteur avec un réseau de neurone à spike pour l’analyse, les chercheurs ont réduit de 80% la consommation d’énergie du système en comparaison avec des capteurs classiques.
Article réalisé dans le cadre du premier numéro d'INTERVALLE, le magazine du service Science et Société, grâce à la participation de :
- Benoît Miramond, professeur des universités à Université Côte d’Azur au Laboratoire d’Électronique, Antennes et Télécommunications - LEAT - d’Université Côte d'Azur et du CNRS. Il est aussi titulaire de la chaire « Intelligence Artificielle Bio-Inspirée » de l'Institut Interdisciplinaire d'Intelligence Artificielle Côte d'Azur.