Projet MUSCADO : Quelle est la rèpétabilité de l'évolution ?
Une des questions fondamentales en biologie de l’évolution est à quel point les trajectoires évolutives sont répétables lorsque des espèces s’adaptent a de nouveaux environnements : des solutions similaires vont-elles être systématiquement mobilisées, ou bien différentes voies vont-elles être suivies ? L'évolution est-elle répétable à différents niveaux d'organisation biologique, qu'il s'agisse des caractéristiques observables des individus (phénotypes), des processus moléculaires qui régissent le fonctionnement des cellules et des organismes, ou du code génétique sous-jacent (altérations dans la séquence d'ADN) ? La répétabilité de l'évolution est-elle la même selon que l’on s’intéresse à une caractéristique comme la couleur du pelage chez les mammifères, ou une autre comme la taille du bec chez les oiseaux ?
Le projet MUSCADO interroge si les processus d'adaptation conduisent à des trajectoires similaires face à des challenges environnementaux similaires, ou si la variabilité génétique et autres contraintes biologiques entraînent des réponses évolutives diverses.
L'équipe de recherche étudient ces questions avec pour modèle biologique les Lépidoptères ravageurs du genre Ostrinia. À la suite de l’introduction du maïs depuis le Amériques il y a environ 500 ans, en Europe et en Asie, deux espèces spécialisées sur cet hôte ont fait leur apparition : la pyrale Asiatique du maïs et la pyrale Européenne du maïs. Toutes deux ont développé des adaptations similaires au maïs, qui les distinguent de leur ancêtre présumé la pyrale du haricot Adzuki. Toutes deux sont devenues d’importants ravageurs de cultures dans le monde entier. Mais à quel point l'histoire s’est-elle répétée en Asie et en Europe ? Les pyrales offrent une occasion idéale d’étudier l’évolution convergente de traits complexes en populations naturelles, les deux changements d’hôte simultanés constituant deux répétitions d’une grande expérience d’évolution, à partir d’un même ancêtre adapté aux Dicotylédones.
Pour ce faire, l'équipe étudie systématiquement plusieurs traits connus pour leur rôle important dans l’adaptation à la plante hôte : la préférence d’oviposition (choix d’hôte), la performance larvaire (adaptation physiologique) et enfin le comportement de géotaxie des larves (la tendance des larves à se déplacer en réponse à un stimulus gravitationnel, c'est-à-dire à agir en réponse à la force qui les attire vers le bas). Par une combinaison d’approches à différents niveaux, depuis la génomique aux phénotypes et études d’association, ils souhaitent élucider les changements évolutifs qui ont sous-tendu l’apparition des deux ravageurs et l’architecture génétique des adaptations. Par la comparaison systématique des changements évolutifs qui ont eu lieu en Asie et en Europe, ils déterminent le niveau de répétabilité lors de ces changements d’hôte, et ses variations selon le niveau d’organisation et le trait considéré.
Les trois espèces de pyrale sont élevées dans le même laboratoire, et sont comparées en termes génomique (les espèces possèdent-elles les mêmes répertoire de gènes et les mêmes séquences ?), transcriptomique (les espèces expriment elles les mêmes gènes lorsqu’elles poussent sur les différentes plantes hôtes?) et phénotypiques (les chenilles possèdent-elles les mêmes comportements adaptatifs ?). L’ensemble de ces données constituera un apport majeur à la compréhension des mécanismes de formation des espèces, de l’architecture génétique des traits adaptatifs des ravageurs, et un aperçu unique du processus d'évolution en action à l’échelle d’un continent.
Les premiers résultats indiquent que l’espèce européenne du maïs possède une inversion chromosomique qui est absente chez les ravageurs, et les analyses de génomique nous ont révélé des portions de séquences qui distinguent les ravageurs, et qui pourront nous guider vers le mécanismes moléculaires impliqués dans l’adaptation au maïs.
Découvrez le portrait de Vincent Calcagno à l'origine du projet MUSCADO !