DES ALGORITHMES POUR PRENDRE SOIN DE NOTRE SANTÉ

Nous avons jusqu’ici approfondi l'intelligence artificielle selon plusieurs angles : histoire, fonctionnement, bio-inspiration et régulation juridique. Il y a toutefois un dernier domaine particulièrement impacté par l’essor de l’intelligence artificielle dont nous ne pouvons pas nous passer. Vous devinez ? Il s’agit de la santé ! 

Olivier Humbert est enseignant-chercheur et médecin au Centre de lutte contre le cancer Antoine Lacassagne. Il explique qu’actuellement, l’intelligence artificielle est particulièrement polyvalente et répandue dans le domaine de la médecine. « Il y en a déjà un peu partout ! L’intelligence artificielle embarquée, la plus répandue, est intégrée aux dispositifs médicaux déjà existants comme les scanners pour améliorer la qualité de l’image par exemple. D’autres systèmes plus complexes arrivent sur le marché afin d’aider les médecins lors de certaines tâches chronophages comme la détection d’une fracture sur une radio. » Ces technologies viennent en support et permettent surtout aux professionnels de santé d’optimiser leur temps. « L’intelligence artificielle suggère, le médecin confirme. » 

DIAGNOSTIQUER GRÂCE AUX PROBABILITÉS 

Pour Olivier Humbert, le système d’intelligence artificielle le plus marquant sera celui de prédiction. Pas encore en magasin et encore au stade de la recherche, cette technologie permettra de calculer quel traitement sera le plus adapté à chaque patient. En analysant les données d’individus traités par le passé comme l’âge, la masse graisseuse, le taux de glucose, etc. le système établira des profils associés aux soins avec la plus grande probabilité de les guérir. Mais il y a un bémol avec cette technologie : ces données sont précieuses et il est impossible de les sortir des hôpitaux. Or, le système doit « voir » des milliers de patients avant d’apprendre la complexité d’une maladie et effectuer un bon diagnostic.  

Pour répondre à ce problème, Olivier Humbert travaille en collaboration avec Marco Lorenzi, mathématicien du Centre Inria d’Université Côte d'Azur sur le projet FEDERATED-PET. « Nous développons un réseau de communication pour analyser massivement ces informations tout en préservant l’anonymat des patients. Nous avons déporté un système d’intelligence artificielle dans neuf hôpitaux pour qu’il s’entraine sur certaines questions en utilisant les données qui s'y trouvent. Les différents établissements se transmettent ensuite les formules mathématiques qu’ils ont apprises afin d’établir un modèle global. Les données sont ainsi préservées car elles ne sortent pas des hôpitaux, seuls les paramètres des modèles sont partagés donc il est impossible de trouver quoi que ce soit sur les patients. » 

CE N’EST QUE LE DÉBUT 

Ce système d’intelligence artificielle dite fédérative devra permettre à terme de prédire si un patient atteint du cancer du poumon pourra être guéri par immunothérapie. « Aujourd’hui, ce traitement marche très bien pour 40% des patients. Mais nous n’avons aucun moyen de savoir à l’avance s’il va fonctionner donc nous le prescrivons à tout le monde. » Cependant, pour entraîner correctement une intelligence artificielle, il vaut mieux selon Olivier Humbert garder un cap précis en se concentrant sur un seul traitement ou une maladie à la fois. Il faudra donc attendre un certain temps avant qu’une technologie soit en mesure de diagnostiquer n’importe quel patient, pour tout type de pathologie. 

Ainsi, l’intelligence artificielle nourrit de nombreux espoirs mêlant innovations technologiques et un soupçon de science-fiction. Formidable outil dans de nombreux domaines, la prudence est toutefois de mise si nous voulons la faire évoluer dans le bon sens. Il est nécessaire de prendre le temps d’évaluer les nouveaux systèmes qui en découlent afin de la réguler au fur et à mesure. Pour le mot de la fin, je propose ainsi de laisser ChatGPT s’exprimer : « l’intelligence artificielle, telle une étoile brillante, guide notre chemin vers un avenir prometteur, mais gardons les yeux ouverts sur ses éventuelles ombres. » 


Article réalisé dans le cadre du premier numéro d'INTERVALLE, le magazine du service Science et Société, grâce à la participation de :

  • Olivier Humbert, professeur des universités à Université Côte d’Azur en médecine nucléaire et biophysique au sein du service d'imagerie du Centre Antoine Lacassagne et au laboratoire Transporteurs en Imagerie et Radiothérapie en Oncologie - TIRO - d’Université Côte d'Azur et du CEA. Il est aussi titulaire de la chaire « IA et santé » de l'Institut Interdisciplinaire d'Intelligence Artificielle Côte d'Azur.