L'astéroïde Bennu : à la recherche de nos origines

En 2016, la sonde OSIRIS-REx partait à la rencontre de l’astéroïde Bennu à plus de 300 millions de kilomètres de la Terre. Elle est revenue fin septembre 2023 avec une précieuse cargaison de 120 grammes du corps céleste. Après sept ans d’attente, de rebondissements et de surprises, il est temps pour les chercheurs de découvrir ce que contiennent les échantillons prélevés sur l’astéroïde. 

DISCRET TÉMOIN DE LA FORMATION DU SYSTÈME SOLAIRE 

Guy Libourel, cosmochimiste, et Patrick Michel, astrophysicien, suivent l’aventure depuis son commencement. Avec leurs collègues du laboratoire Lagrange et leurs collaborateurs du laboratoire CRHEA*, ils ont hérité d’une centaine de milligrammes de Bennu, joyeusement expédiés par Fedex. En analysant la composition des minéraux de l’astéroïde, les scientifiques entendent bien participer à élucider les derniers mystères de la naissance du système solaire et de l’origine de la vie sur Terre.  

Les astéroïdes sont des objets rocheux n’excédant pas quelques centaines de kilomètres de diamètre. Ils gravitent autour du Soleil entre les orbites de Mars et de Jupiter. Au milieu du XXe siècle, les astéroïdes étaient appelés, « les vermines du ciel » à cause des petites traînées nuisibles qu’ils laissaient sur les plaques photographiques. Aujourd’hui, Patrick Michel raconte que leur grande diversité géologique et la faible évolution de leur composition en font de formidables objets d’étude. Ainsi, Bennu est particulièrement intéressant car il présente quasiment la même composition qu’à la formation du système solaire il y a 4,6 milliards d’années, ce qui permet de remonter aux conditions initiales de sa création.  

 

© Adobe Stock - Le système solaire
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UNE TECHNIQUE UNIQUE  

Les données récoltées à l’issue de l’analyse des échantillons permettront d’enrichir des modèles théoriques pour affiner certaines hypothèses développées par les astrophysiciens. Guy Libourel prend comme exemple l’énigme de l’émergence de la vie sur Terre. Selon une théorie, elle serait due à des impacts d’astéroïdes à la fin de la formation de notre planète. Ils auraient alors délivré les ingrédients nécessaires à son apparition telle que l’eau ou le carbone, l’élément constitutif des organismes vivants. Si tel est le cas, ces composants devraient donc se trouver dans les échantillons de Bennu.  

Pour confirmer cette hypothèse, les chercheurs niçois utilisent une technique unique : la cathodoluminescence haute résolution, couplée avec un microscope électronique à balayage. Guy Libourel explique : « Le principe n’est pas si compliqué : bombardé par des électrons, l’échantillon émet de la lumière – des photons – dont les énergies dégagées donnent des informations extrêmement détaillées sur la chimie et la structure des minéraux qui le constitue ».  

Les carbonates des échantillons de Bennu retiennent l’attention des chercheurs niçois. Effectivement, les minéraux utilisent les cations de l’eau et les ions carbonates pour se former : ils indiquent la présence d’eau par le passé. « La cathodoluminescence nous offre une visualisation inédite des différentes étapes de cristallisation de ces carbonates. Cette avancée majeure nous permet d’accéder à une compréhension approfondie des conditions de formation du corps parent de Bennu, l’objet céleste à son origine. Cela nous renseigne entre autres sur la composition chimique de l’eau, son pH, sa température et, de manière plus hypothétique, la quantité d’eau qui a circulé » précise le chercheur.  

Outre la confirmation de la présence de carbone, les premières analyses des échantillons de Bennu révèlent une teneur élevée en minéraux hydratés. Cependant, des recherches approfondies, menées à Nice et dans d’autres laboratoires à travers le monde, sont encore nécessaires pour déterminer si ces molécules ont contribué à l’apparition de la vie sur Terre et à la formation des océans. Affaire à suivre... 

* Centre de Recherche sur l’Hétéro-Epitaxie et ses applications 
© NASA / Erika Blumenfeld et Joseph Aebersold - Capsule contenant les échantillons de l'astéroïde Bennu 
© NASA / Erika Blumenfeld et Joseph Aebersold - Capsule contenant les échantillons de l'astéroïde Bennu  © NASA / Erika Blumenfeld et Joseph Aebersold - Capsule contenant les échantillons de l'astéroïde Bennu 

 


Article réalisé dans le cadre du premier numéro d'INTERVALLE, le magazine du service Science et Société, grâce à la participation de :
 

  • Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS au laboratoire Lagrange, d’Université Côte d’Azur, de l’Observatoire de la Côte d’Azur et du CNRS. Il est aussi professeur de l’Université de Tokyo et membre de l'équipe scientifique de la mission OSIRIS-REx. Patric Michel a récemment publié un livre « À la rencontre des astéroïdes » aux éditions Odile Jacob. 
  • Guy Libourel, professeur des universités à Université Côte d’Azur au laboratoire Lagrange, d’Université Côte d’Azur, de l’Observatoire de la Côte d’Azur et du CNRS. Il est également professeur affilié à l'institut d'Hawaï de géophysique et de planétologie de l’Université d'Hawaï.