Réponse, par Gilles Pagès
Le cancer concerne tout le monde, il existe en chacun de nous. Pour beaucoup il ne se développera jamais, mais pour les autres, moins chanceux, trouver un traitement sera nécessaire. Il existe différents types de cancers mais grosso modo, le processus est le même : des cellules déréglées se mettent à proliférer de manière anarchique jusqu’à former une masse appelée tumeur. Les cellules cancéreuses peuvent ensuite se disséminer dans l’organisme et envahir les tissus voisins, il s’agit des métastases.
Alors pourra-t-on un jour soigner le cancer ? Entre radiothérapie, chimiothérapie, traitement anti-angiogéniques ou immunothérapie, les solutions ne manquent pas ! Pourtant c’est difficile à soigner et je m’en rends tous les jours compte au laboratoire. Lorsque nous appliquons un traitement sur des cellules tumorales, même si 99% d’entre elles meurent, il suffit qu’1% survive et le cancer repart. De plus, ces cellules tumorales ont des capacités de prolifération supérieures aux cellules saines. Cette propriété leur permet d’une part de gagner rapidement du terrain et d’autre part de s’adapter efficacement à leur environnement.
En fait, le cancer est une sorte de maladie intelligente qui se cache et ruse pour tromper les traitements et notre système immunitaire, censé reconnaitre les corps étrangers pour les détruire. Par exemple, certaines cellules tumorales ont à leur surface des protéines qui miment nos propres cellules et permettent de passer sous nos radars de défense. Un des traitements contre le cancer, l’immunothérapie, consiste donc à masquer ces protéines qui trompaient notre système immunitaire pour qu’il puisse reconnaître les cellules tumorales et les détruire. L’inconvénient de cette technique, c’est qu’il existe de nombreuses protéines différentes à masquer et les immunothérapies approuvées en pratiques cliniques n’en reconnaissent aujourd’hui que deux. Il existe donc des traitements mais l’évolution et l’adaptation rapide du cancer nous oblige à aller vers des thérapies plus efficaces et moins toxiques.
Malgré tout, pour répondre succinctement à la question, je pense que nous sommes sur la bonne voie. Sans donner de faux espoirs car je suis prudent, à chaque étape nous gagnons en nombre d’années, en qualité de vie et de soins. En prenant du recul, il y a trente ans lorsque vous faisiez une radiothérapie ou une chimiothérapie, vous pouviez avoir des brûlures, des nausées, une perte de cheveux, etc. Aujourd’hui, cela reste un traitement lourd mais les effets secondaires ne sont plus aussi rudes. Par ailleurs, à cette même époque nous guérissions 70% des cancers du sein alors que dorénavant nous sommes proches de 95%. Grâce à la recherche et aux progrès de la médecine, l’amélioration est constante donc je suis positif à ce sujet. Nous pouvons espérer soigner davantage et mieux le cancer, ce n’est qu’une question de temps.
Article réalisé dans le cadre du premier numéro d'INTERVALLE, le magazine du service Science et Société, grâce à la participation de :
- Gilles Pagès, directeur de recherche à l'Inserm au laboratoire Institut de Recherche sur le Cancer et le Vieillissement - IRCAN - d’Université Côte d’azur, du CNRS et de l’Inserm. Il travaille depuis de nombreuses années sur les mécanismes de résistance du cancer aux traitements. Avec son équipe, il a notamment développé un médicament retardant la croissance du cancer du rein.