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Revel Marie

Publié le 22 août 2025 Mis à jour le 4 novembre 2025

Marie Revel, enseignante-chercheuse au sein du laboratoire GEOAZUR, étudie les sols pour améliorer les modèles climatiques.

LES COULISSES D'UNE CARRIÈRE EN RECHERCHE 

Marie Revel, enseignantes-chercheuse au sein du laboratoire GEOAZUR, étudie les sols pour améliorer les modèles climatiques.

Qu'est-ce qui vous a initialement attiré vers votre domaine de recherche ?

"Depuis mon enfance, je suis attirée par le milieu marin, je passais des heures sous l’eau à observer la faune marine. Puis, j’ai fait de la plongée sous-marine avec mon frère sur la côte méditerranéenne, et à cette époque, je savais déjà que je voulais faire un métier en lien avec la mer. Après des études supérieures à l’Université de Toulouse, j’ai choisi de poursuivre en master en paléo-océanographie à l’Université de Bordeaux. "

Y a-t-il eu un moment particulier dans votre vie où vous avez su que vous vouliez devenir chercheuse ?

"C’est lors de mon master, j’ai été encadré par un chercheur exigeant, Francis Grousset, qui m’a transmis sa passion et m’a fait rêver en me proposant un sujet de recherche sur les poussières éoliennes déposées sur la glace en Antarctique, région de mythe et légende du début du siècle devenu aujourd’hui un merveilleux laboratoire naturel. "


LA MÉDIATION SCIENTIFIQUE SELON *PRENOM *NOM

Que vous apporte de parler de vos recherches au grand public ?

"Depuis de nombreuses années, j'enseigne aux étudiants d’Université Cote d’Azur la compréhension du système climatique. Comme ce sujet est d'actualité, j'ai toujours plaisir à partager ces connaissances avec les lycéens et le grand public. Aujourd'hui, il existe un consensus scientifique universel sur le fait que notre civilisation se dirige vers une impasse en consommant nos énergies fossiles à un rythme effréné. Cette surconsommation entraîne des conséquences graves pour l'environnement et le climat, mettant en péril l'équilibre écologique de notre planète et compromettant l'avenir des générations futures. Parler de mes recherches et du système climatique me permet de transmettre l'idée que notre planète bleue, recouverte à 71 % d'eau, est magnifique et que nous, citoyens du monde entier, avons la responsabilité de la préserver pour que les générations futures puissent en profiter également. Ce sont des discours qui peuvent faire peur, mais ce sont des faits avérés et les ignorer ne résoudra pas le problème."

Que diriez-vous à un collègue pour le convaincre de se lancer dans la médiation scientifique ? 

"Je lui dirais, c’est plus de travail qu’une conférence scientifique mais c’est gratifiant de voir cette jeunesse se poser de nombreuses questions sur son avenir et le lien entre le monde vivant et notre planète."

Auriez-vous une anecdote à partager en lien avec votre expérience en médiation scientifique ?

"L’anecdote qui me vient naturellement est le fait de parler de carotte sédimentaire (qui correspond à une colonne de sédiment collectée au fond des océans) dans mes conférences et de saisir l’incompréhension de mes interlocuteurs qui pensent que je travaille sur le légume orange."

Partager vos recherches avec les scolaires est-il (ou serait-il) un moyen efficace pour leur donner envie de s'intéresser aux sciences et pourquoi pas de s’orienter vers les sciences ?
 
"Oui, partager mes connaissances, en particulier sur la question du réchauffement climatique avec des lycéens est un moyen, hors-scolaire, de leur donner envie de s’interroger sur le monde animé ou inanimé qui les entoure, autrement dit, réfléchir au monde réel ou numérique."


Pensez-vous que les décideurs politiques pourraient davantage échanger avec des chercheuses et chercheurs pour prendre certaines décisions ?
 
"Les décideurs politiques sont formés en sciences politiques pour prendre des mesures, élaborer des lois qui ont des conséquences sur la société à court terme (réduire la vitesse sur les autoroutes etc.. ) ; le temps des scientifiques est plus long (e.g. : les conséquences de l’augmentation du niveau marin se feront ressentir dans de nombreuses années) donc la difficulté des politiques est de prendre des décisions impopulaires (arrêt de la construction de Méga-bassine ou de digue, moins de barrages, moins de voiture et plus de pistes cyclables, augmenter l’autonomie alimentaire dans les villes etc.. ) qui sont systématiquement légiférés soit par manque de courage soit par cynisme. Les rapports du GIEC/IPCC, dont les résumés pour les décideurs sont écrits et sont améliorés tous les 4 ans à l’échelle internationale, constituent un état des lieux de l’état de surface de notre planète. Je considère donc sur la question sur le réchauffement climatique que le travail des scientifiques est déjà bien avancé et que nos élus, (ceux qui ont une éthique) ont les cartes en main pour aller vers des choix éclairés sur le fonctionnement de nos sociétés plus sobres moins énergivores, moins matérialistes. Mais je suis bien consciente qu’après ces nombreux rapports, ces communicants avec brio sur le climat, ces commissions, ces COPs sur le climat, pas grand-chose n’évolue à l’échelle globale et qu’il est temps d’arrêter de bavarder et d’agir."

En quoi votre recherche a-t-elle des implications pratiques ou des applications dans le monde réel ?

"Ma recherche qui porte sur la compréhension de la mousson en Afrique dans le passé pour améliorer les modèles du climat futur est fondamentale, en terme scientifique cela signifie qu’à court terme elle n’a pas d’implication directe sur le monde réel. En revanche, à plus long terme, mon travail, couplée avec les travaux d’autres recherches devraient nous permettre d’améliorer les modèles du cycle de l’eau, comprendre comment la distribution des précipitations va évoluer par rapport au réchauffement climatique, et tenter de prévoir les futures précipitations."

Ses inspirations

"Je trouve de l’inspiration dans la lecture d’écrits qui vont d’articles scientifiques pointus, d’atlas sur l’Anthropocène, de bouquins sur l’océan, mais également de livres autobiographiques comme celui de Théodore Monod sur ses découvertes au Sahara ou encore les livres plus légers de Henry de Monfreid et ses aventures de contrebandier et de piraterie dans le Golfe de Tadjourah. Mais ma source principale d’inspiration, je la trouve dans la connivence lors d’échange avec mes collègues, les prises de position, les échanges parfois vifs et drôles lors de réunion de travail entre collègues passionnés et experts dans leurs domaines. "


L'objet de Marie Revel

Pour sortir des sentiers battus, nous avons demandé à cette chercheuse de choisir un objet emblématique de ses études.

Le résultat ? Une carotte

"Cette photo correspond à une section de la carotte longue collectée en 2023 (mission DESIREE) dans le cadre de l'ANR NILAFAR. Section ABH23-IB-01B.
Elle met en évidence des fines lamines de couleurs variables qui traduisent des variations de l'environnement de  transports et dépots. Plus le sédiment est de couleur marron plus ca correspond à des apports de la rivière Awash (sediment fin argileux = grain de taille < 2 micron- composé d'une majorité de smectite c'est un minéral argileux qui produit de l'altération chimique des basaltes qui composent le bassin versant du lac Abhé). La couleur claire pourrait correspondre à des niveaux enrichis en coquille de diatomée composé de calcite donc de couleur blanche. Les analyses sont en cours pour comprendre dans le detail ces variations. Le 1er modèle age de cette longue carotte nous indique que ce niveau est daté d'environ 3000 à 4000 ans."

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