Silvia Marzagalli, enseignante-chercheuse Université Côte d'Azur au Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine (CMMC) et membre honoraire de l'Institut Universitaire de France, travaille sur l'histoire du commerce portuaire en France à la veille de la Révolution. Elle analyse les stratégies marchandes en temps de guerre.
Les coulisses d'une carrière en recherche
Silvia Marzagalli, enseignante-chercheuse Université Côte d'Azur au Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine (CMMC) et membre honoraire de l'Institut Universitaire de France, travaille sur l'histoire du commerce portuaire en France à la veille de la Révolution. Elle analyse les stratégies marchandes en temps de guerre.
En quoi consiste votre recherche ?
« Je refuse l’injonction (récente) que la recherche doit systématiquement avoir des implications pratiques. Le monde réel, c’est le fruit du passé. J’étudie ce passé sous différentes coutures. La compréhension du fonctionnement des sociétés du passé n’est pas immédiatement chiffrable de manière utilitaire. Mais elle est indispensable. Une société ou un individu qui ne comprend plus d’où il vient, n’a pas de repères dans le réel. »
Qu'est-ce qui vous a initialement attirée vers votre domaine de recherche ?
« À l’école, j’avais partout de résultats excellents. Choisir était donc difficile. J’ai longtemps hésité entre étudier les mathématique ou la philosophie, la logique me semblait une clé de compréhension primordiale. Mais j’ai choisi l’histoire de crainte de perdre le contact avec le réel. La suite s’est faite "tout seule", de fil en aiguille, chaque recherche ouvrant la voie à une question nouvelle, à commencer par ma maîtrise sur Hambourg à l’époque napoléonienne, qui a été choisie car je parlais couramment l’allemand et que j’avais de bons amis à Hambourg… »
Y a-t-il eu un moment particulier dans votre vie où vous avez su que vous vouliez devenir chercheuse ?
« Oui, lors de ma toute première heure à la fac ! J’assistais au cours d’histoire moderne de Carlo Capra, qui nous parlait de ses recherches, c’était passionnant, on voyait l’historien procéder comme un investigateur, avec intelligence et méthode.
Je me rappelle encore comme si c’était hier la pensée qui surgit alors de nulle part. Je me suis dite : c’est là (à sa place, prof de fac, face à des étudiants) que je veux être un jour. »
Ses inspirations
« Ma professeure de littérature et latin au lycée a joué un rôle fondamental : son insatiable curiosité intellectuelle, son humanisme sans faille, sa droiture intellectuelle ont été un phare au milieu de la nuit. Plus tard, ce sont les lectures d’articles et d’ouvrages que j’ai admirés, voire la rencontre avec quelques collègues, qui ont pris la relève. »
La médiation scientifique selon Silvia Marzagalli
Que vous apporte de parler de vos recherches au grand public ?
« J’appartiens à une génération qui donnait pour acquis que la connaissance du passé était fondamentale. En Italie, on l’enseignait, et très sérieusement, à partir du CE2. Aujourd’hui cela est remis en cause. La relation au passé n’est plus structurante, et il est de la responsabilité des historiens de faire comprendre qu’il est essentiel de savoir d’où on vient. »
Partager vos recherches avec les scolaires est-il un moyen efficace pour leur donner envie de s'intéresser aux sciences et pourquoi pas s'orienter vers les sciences ?
« En théorie, oui. En pratique, mes expériences personnelles sont plutôt frustrantes : la demande d’une intervention dans un lycée pour faire un cours ne vient pas des scolaires, mais de leurs enseignants. Du coup, la curiosité est limitée. Ce qui a mieux marché dans notre programme, ce sont des médiations ad hoc pour le public scolaire (serious game) dans le cadre des sorties (type Fête des Sciences) : mais je n’ai ni la formation, ni le temps, ni trop le goût pour m’en occuper. »
Que diriez-vous à un collègue pour le convaincre de se lancer dans la médiation scientifique ?
« J’aime beaucoup ce que disait Einstein : si vous ne pouvez pas expliquer un concept à un enfant de 6 ans, c’est que vous ne le comprenez pas. Faire de la médiation, c’est rendre compréhensible des choses complexes sans simplifier à l’excès. C’est un véritable défi intellectuel, qui oblige nous-même à interroger à nouveaux frais le savoir que nous produisons. »
Pensez-vous que les décideurs politiques pourraient davantage échanger avec les chercheuses et les chercheurs pour prendre certaines décisions ?
« Oh que oui… ! Scientifiquement, je revendique le besoin d’explorer les branches du savoir sans que cela ne soit impérativement lié à des enjeux sociétaux prioritaires dictés par le contexte immédiat…
L'objet de Silvia Marzagalli
Pour sortir des sentiers battus, nous avons demandé à ce chercheuse de choisir un objet emblématique de ses études.
Le résultat ? Un petit bateau en argent
« Un petit bateau en argent (4-5 cm) m’a été offert par ma professeure de littérature au lycée lors du bac, avant que je ne commence à faire de l’histoire, et de l’histoire maritime… Il était accompagné d’un passage de la Divina Commedia de Dante, qui dit que chaque être navigue vers son port. »
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