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Treleani Matteo

Publié le 22 août 2025 Mis à jour le 16 septembre 2025

Matteo Treleani, enseignant-chercheur au sein du laboratoire des Sciences de l’Information et de la Communication (SIC.LAB), étudie l'influence des archives dans la construction de l'image de l'Europe.

LES COULISSES D'UNE CARRIÈRE EN RECHERCHE 

Matteo Treleani, enseignant-chercheur au sein du laboratoire des Sciences de l’Information et de la Communication (SIC.LAB), étudie l'influence des archives dans la construction de l'image de l'Europe.

Qu'est-ce qui vous a initialement attiré vers votre domaine de recherche ?

"Ma thèse avait été financée par l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Après des études de sémiotique des médias, l’INA m’a permis de découvrir le domaine du patrimoine. J’ai ainsi plongé dans le monde des archives et je n’en suis toujours pas sorti… ce n’est pas évident pour le grand public mais les archives dominent les environnements médiatiques, elles constituent la plupart des contenus diffusés et partagés, ce sont évidemment un lien matériel que nous entretenons avec le passé mais elles sont aussi le présent des médias."

Y a-t-il eu un moment particulier dans votre vie où vous avez su que vous vouliez devenir chercheuse ?

"J’ai fait mes études de licence et master à l’Université de Bologne en Italie, avec l’ambition de devenir journaliste. Au cours de l’avant dernière année de master, je faisais des piges pour un magazine local et je suivais les séminaires coordonnés par Umberto Eco. Je me suis rendu compte que la recherche permettait d’approfondir des connaissances alors que dans le monde du journalisme on reste sur la surface (les raisons sont multiples : le peu de temps à disposition pour mener une enquête par exemple, ou, encore, le peu d’espace dédié à chaque article). "


LA MÉDIATION SCIENTIFIQUE SELON MATTEO TRELEANI

Que vous apporte de parler de vos recherches au grand public ?

"Il y a tout d’abord une nécessité d’éduquer le grand public aux médias et aux images : savoir comment se construisent les croyances dans les contenus visuels des médias permet d’avoir du recul sur ce qui nous est raconté tous les jours. En même temps, l’effort de vulgarisation et tout sauf vulgaire, cela permet de clarifier les concepts et les idées : si l’on comprend sans pré-réquis des projets complexes, on a fait un travail argumentatif qui est souvent porteur de nouvelles idées."

Que diriez-vous à un collègue pour le convaincre de se lancer dans la médiation scientifique ? 

"Je pense que tous les collègues partagent la volonté d’ouvrir leurs recherches au grand public, c’est plutôt le temps qui manque aux chercheurs qui s’écroulent sous les tâches administratives. L’objectif d’une recherche réussie est aussi celui d’avoir un impact sociétal. Si on avait le temps on donnerait des conférences grand public tous les mois."

Partager vos recherches avec les scolaires est-il (ou serait-il) un moyen efficace pour leur donner envie de s'intéresser aux sciences et pourquoi pas de s’orienter vers les sciences ?
 
"Il serait certainement utile de partager les recherches en sciences humaines et sociales avec le public scolaire. On est encore limité à une vision de la science qui correspond aux sciences naturelles ou, au mieux, aux sciences numériques. Faire comprendre aux élèves des écoles que l’on peut devenir chercheur en étudiant le passé dans les archives ou analysant les vidéos partagées dans les médias sociaux serait un moyen pour dynamiser l’image des chercheurs dans leur diversité et attirer peut-être aussi des élèves plus sensibles aux enjeux de la société et des produits de l’esprit."

Pensez-vous que les décideurs politiques pourraient davantage échanger avec des chercheuses et chercheurs pour prendre certaines décisions ?
 
"L’analyse des médias est certainement essentielle pour les politiques publiques. Souvent ces analyses se font aussi dans les médias eux-mêmes, c’est le cas de certaines émissions ou rubriques du Monde, Arte ou Médiapart par exemple. Il serait cependant important de faire comprendre la différence entre des perspectives scientifiques – même lorsque pour « science » on entend des sciences humaines ou sociales – et des approches journalistiques, soumis aux contraintes de l’environnement industriel dont elles sont issues."


En quoi votre recherche a-t-elle des implications pratiques ou des applications dans le monde réel ?

"Les industries audiovisuelles connaissent en partie l’importance des archives dans leur infrastructure. Ce projet jette une lumière avec des données et des résultats clairs qui manifestent comment les reprises d’images préexistantes sont à la base de l’inflation de productions visuelles et de la places grandissante de stéréotypes dans la communication. On pourrait également affirmer que l’augmentation de productions ne semble pas favoriser la diversité alors que l’on pourrait penser le contraire. Ces éléments sont importants pour comprendre comment les sociétés se représentent et l’image qu’elles ont d’elles-mêmes et de leur passé. 
Le monde de la recherche fait bien partie du « monde réel » en tout cas !"


L'objet de Matteo Treleani

Pour sortir des sentiers battus, nous avons demandé à ce chercheur de choisir un objet emblématique de ses études.

Le résultat ? Un écran avec les 35 000 images d'archives analysées

Les résultats révèlent que malgré les différences attendues entre l'Italie et la France, les similitudes prédominent dans la manière dont les mêmes images sont traitées et réutilisées dans les deux pays. Cela s'explique par la pratique professionnelle établie, la familiarité du public avec ces images et leur facilité de réutilisation. De plus, une évolution est observée dans la représentation de l'Europe dans les médias, passant d'une entité abstraite à un acteur concret au fil des années. L'émergence d'un espace public européen se manifeste également, avec une cohérence dans les sujets abordés et les perspectives adoptées par les médias français et italiens.

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